L’attrait pour la propriété s’est confirmé entre les années 2002 et 2006, prolongeant la reprise de la fin des années 1990, avec un tiers d’acquéreurs de plus que lors des années 1980. Cependant, depuis les années 2000, les ménages les plus modestes et les primo-accédants ont eu des difficultés accrues pour accéder à la propriété. Le prix des logements a en effet augmenté plus rapidement que les revenus, alors que les prêteurs maintenaient leur niveau d’exigences pour obtenir un crédit. En revanche, grâce à la baisse des taux d’intérêt, ils ont augmenté la durée des prêts de trois ans, comparée à la fin des années 1990, ce qui a d’abord bénéficié aux ménages jeunes. Aussi, l’effort financier des accédants, bien qu’en hausse, n’a crû que de trois points. Le risque d’insolvabilité demeure donc faible.
Entre 2002 et 2006, plus de 600 000 ménages ont acheté chaque année leur résidence principale, alors qu’ils étaient près de 550 000 entre 1997 et 2001. C’est un tiers de plus qu’au cours des années 1980 et qu’au début des années 1990 (tableau 1). Par ailleurs, tous les ans, quelques dizaines de milliers de ménages deviennent propriétaires par héritage ou donation.
De majoritaires dans les années 1980, les achats dans le neuf sont devenus minoritaires, jusqu’à ne représenter qu’un peu plus du quart des achats entre 1997 et 2002, avec un rebond à 32 % entre 2002 et 2006. Dans le neuf comme dans l’ancien, acquisition rime le plus souvent avec achat de maison : entre 2002 et 2006, 70 % des achats immobiliers se sont portés sur des maisons individuelles, une proportion en légère baisse toutefois par rapport aux années précédentes.
Emprunter est une pratique très fréquente pour accéder à la propriété. Ainsi, depuis 20 ans, les ménages recourent au crédit, dans une proportion de 85 %, plus encore quand ils sont primo-acquéreurs (95,8 % d’entre eux y ont recouru entre 2002 et 2006). L’essor du crédit a donc accompagné celui des acquisitions dans les dix dernières années. Néanmoins, pour ceux qui ne sont pas primo-acquéreurs, soit 47 % des acquéreurs, la part des achats au comptant a augmenté légèrement au cours des années 2000.
Des années 1997-2001 à 2002-2006, le nombre des accédants a continué de progresser, passant de 462 000 à 516 000 par an, et ce, malgré de fortes hausses des prix dans l’immobilier. C’est essentiellement en raison de l’augmentation des acquisitions dans les zones rurales, mais aussi au prix d’une plus grande sélectivité des accédants et d’un allongement de la durée des prêts, favorisé par la baisse des taux d’intérêt.
Champ : achats de la résidence principale, dans les quatre ou cinq ans précédant l’enquête, en France métropolitaine.
Source : Insee, enquêtes Logement.
L’accession à la propriété se développe dans les zones rurales, qu’elles soient éloignées ou périurbaines : 29 % des accédants récents habitent ainsi en zone rurale, contre 25,5 % au début des années 1990.
Les logements neufs sont surreprésentés en zone rurale périurbaine, la périurbanisation s’accentuant depuis la fin des années 1990. Mais, depuis ces dernières années, ils le sont aussi dans le rural éloigné. Au total, 47,5 % des accédants récents ayant acheté dans le neuf entre 2002 et 2006 habitent ainsi en zone rurale, qu’elle soit éloignée ou périurbaine (tableau 2) ; ils étaient 29 % au début des années 1990 et 38,3 % à la fin des années 1990.
Entre 2002 et 2006, les accédants ont déboursé, en moyenne, 136 000 euros pour une maison en zone rurale éloignée, 163 000 euros en zone périurbaine, plus de 170 000 euros dans les petites agglomérations et plus de 200 000 euros dans les grandes. De surcroît, une fois sur deux, en zone rurale, ils habitent un logement neuf, plus spacieux. Parallèlement à cette demande croissante, le prix d’achat moyen a augmenté en milieu rural autant que dans les zones plus denses. En zone urbaine, le nombre d’accédants a toutefois continué d’augmenter, assez fortement dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, plus modérément dans les petites agglomérations et dans l’agglomération parisienne, deux zones où la reprise de l’accession avait été vigoureuse à la fin des années 1990.
Les ménages à faibles ressources, inférieures au 1er quartile de niveau de vie de l’ensemble des ménages, déjà sous-représentés parmi les accédants à la fin des années 1990, le sont encore davantage au cours des années 2000. Les ménages modestes du 2e quartile de niveau de vie le sont aussi, mais dans une moindre mesure (tableau 3).
Si les ressources financières sont déterminantes pour obtenir un crédit immobilier, le fait d’avoir des revenus pérennes favorise également l’accession à la propriété, quel qu’en soit le niveau. Ce qui peut écarter des ménages au chômage, en contrat à durée déterminée ou en inactivité. Ainsi, seulement 4 % des accédants récents de moins de 60 ans sont dans une de ces trois situations, contre 6 % à la fin des années 1990. À titre de comparaison, dans les années 2000, les ménages en emploi à durée déterminée ou au chômage représentent 20 % de l’ensemble des ménages dont la personne de référence a moins de 60 ans.
Dans le même ordre d’idées, les couples dont les deux conjoints apportent des ressources sont souvent dans une situation plus favorable, à revenu équivalent, que ceux dont les ressources reposent sur un seul des deux, le risque économique étant réparti sur deux personnes. Leur poids relatif augmente sur la période la plus récente. Le risque est évalué selon la situation du moment et non pas sur des perspectives économiques futures ; ainsi, à revenu égal, être diplômé de l’enseignement supérieur (pour les jeunes ménages) n’augmente pas forcément la probabilité d’accéder à la propriété. La forte hausse des prix de l’immobilier a quelque peu freiné l’accession des primo-accédants : si leur nombre est resté stable au cours de la période étudiée (autour de 360 000 par an), leur part parmi l’ensemble des accédants est passée de 66,3 % entre 1997 et 2001 à 60 % entre 2002 et 2006, une baisse qui concerne tous les âges.
Les évolutions du marché immobilier n’ont pas défavorisé les plus jeunes, la proportion des moins de 40 ans augmentant même légèrement, de 64,1 % entre 1997 et 2001 à 66,1 % entre 2002 et 2006. Leur jeune âge leur offre un horizon d’emprunt plus long, dont ils bénéficient davantage au milieu des années 2000 qu’au cours de la période précédente. La baisse des taux d’intérêt leur permet d’allonger la durée de leurs prêts. En moyenne, les ménages de moins de 40 ans ont ainsi contracté des prêts pour 18,4 ans durant la période 2003-2006, soit trois ans de plus qu’ils ne l’auraient fait à la fin des années 1990. Pour les ménages plus âgés, la durée d’emprunt a moins augmenté, passant de 13 ans entre 1997 et 2001 à 14,9 ans entre 2002 et 2006, soit deux années supplémentaires.
L’achat immobilier pour une résidence principale représente 4,2 ans de revenu entre 2002 et 2006, contre 3,1 ans entre 1997 et 2001 alors même que la part des ménages aisés s’est accrue parmi les accédants (tableau 4). L’alourdissement a été particulièrement prononcé pour les accédants du premier quartile de niveau de vie.
Les primo-accédants n’ont pas pu maintenir leur taux d’apport personnel et leur endettement équivaut à trois ans de revenu, huit mois de plus qu’au cours de la période précédente. Parallèlement, les banques maintiennent leurs exigences d’apport minimal : comme par le passé, peu d’accédants ont un apport personnel faible (inférieur à 10 % du prix du logement). En revanche, pour les acheteurs qui ne sont pas primo-accédants, le taux d’apport personnel a augmenté, porté par la valorisation de leur ancien logement. Mais ils se sont également davantage endettés qu’à la période précédente, presque autant que les primo-accédants.
Les taux d’intérêt varient peu d’une catégorie de ménages à l’autre. Ils ne sont sensiblement plus faibles que pour les accédants bénéficiant d’une aide à la pierre, dont l’avantage a diminué entre 2002 et 2006 dans un contexte de taux d’intérêt plus bas. Le coût de l’emprunt n’a donc pas augmenté entre 1997-2001 et 2002-2006, restant contenu à moins de 40 % de la valeur de l’emprunt.
La solvabilité dépend de la part des remboursements dans les ressources courantes : pour la plupart des ménages, sauf pour les ménages les plus modestes, cette part est encore loin des 30 %, couramment admise comme la limite soutenable à long terme. Les taux d’effort ont néanmoins augmenté pour tous, la moyenne s’établissant désormais à 21,9 %, après prise en compte des aides au logement. L’impact de ces aides est de plus en plus faible. En effet, d’une part, il y a de moins en moins de bénéficiaires : ils sont 6,4 % parmi les accédants du début des années 2000, ils étaient 13,6 % à la fin des années 1990 ; d’autre part, le montant des aides est resté quasiment stable, à 1 700 euros par an. Les impayés de mensualités sont rares. Ils ne concernent que 0,7 % des accédants entre 2002 et 2006, et décroissent avec l’élévation du niveau de vie. Si 6,7 % des accédants se plaignent de difficultés de paiement, ils sont plus de 10 % dans les deux premiers quartiles de niveau de vie. Sans aller jusqu’à l’insolvabilité, l’accession à la propriété représente un réel effort financier pour les ménages les plus modestes, contraignant fortement leur budget. L’engagement sur une durée longue (18 ans pour des primo-accédants) accroît d’autant le risque d’aléas susceptibles de les mettre en difficulté.